Comprendre la sensibilité : Et si c’était votre plus grande force ?

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« Je ne peux pas montrer que je suis stressé en réunion, ce serait un signe de faiblesse. » « Dans ma famille, on m’a toujours dit que j’étais trop sensible… sous-entendu : pas assez solide. »

Ces phrases, vous les avez peut-être entendues. Voire même prononcées.

Elles traduisent une idée reçue encore très ancrée : être sensible ou exprimer ses émotions, ce serait être fragile, faible, inadapté, surtout au sein des entreprises.

Pourtant, c’est tout le contraire : Comprendre ses émotions, c’est déjà se permettre de les réguler. C’est aussi, en reconnaissant et en assumant sa sensibilité, faire de ces aspects de soi des forces indéniables.

Alors, de quoi parlons-nous précisément ?

Réguler ses émotions : maîtriser sans étouffer

La régulation émotionnelle, ce n’est pas « prendre sur soi » ou « faire comme si de rien n’était ».

Ce n’est pas mettre un couvercle sur une cocotte-minute.

C’est apprendre à écouter ce qui se passe en soi, puis choisir comment y répondre.

La régulation émotionnelle, c’est plutôt la capacité à :

Identifier ce que l’on ressent (mettre des mots sur l’émotion, comme nous l’avons vu dans un article précédent). Souvent, avant même d’avoir un mot, notre corps nous envoie des signaux : le coeur qui bat plus vite, la gorge serrée, une tension dans les épaules… Mais nous ne prêtons pas attention à ces ressentis, les jugeant trop dangereux ou sous l’interdiction de les considérer.

Comprendre l’origine de cette émotion (quel besoin est concerné ? quel événement l’a déclenchée ?).

Moduler son intensité ou sa durée si elle devient envahissante ou inappropriée pour le contexte.

Adapter sa réponse comportementale en fonction de l’émotion et de la situation, tout en restant aligné avec ses valeurs.

La régulation émotionnelle, ce n’est PAS :

Refouler (« Je ne ressens rien. ») : Faire semblant que l’émotion n’existe pas. Cela ne la fait pas disparaître ; elle se manifeste souvent plus tard et plus fort, sous forme de stress chronique, d’anxiété ou de symptômes physiques.

Ignorer (« Ce n’est pas important. ») : Ne pas écouter le message de l’émotion. C’est se priver d’une information précieuse sur nos besoins.

Exploser (« Je ne contrôle plus rien. ») : Laisser l’émotion nous submerger et nous dicter des comportements que l’on regrette par la suite.

La régulation émotionnelle, c’est :

Prendre du recul :

Cela signifie faire une pause, même de quelques secondes, avant de réagir. Par exemple, si une remarque vous agace, au lieu de répondre immédiatement, vous pouvez fermer les yeux un instant, ou vous concentrer sur votre respiration pour ne pas laisser l’émotion vous emporter.

Respirer :

La respiration est un outil puissant pour calmer le système nerveux et retrouver son sang-froid.

Choisir consciemment comment y faire face :

Une fois l’émotion identifiée et le recul pris, votre esprit s’apaise. À partir de cet état de calme, vous pouvez décider de la meilleure façon d’agir. Cela peut être de l’exprimer calmement, de chercher une solution, de demander de l’aide, ou simplement de laisser passer la vague émotionnelle sans réagir sous son impulsion. Par exemple, si vous êtes perdu par l’ampleur d’un projet, choisir d’y faire face pourrait être de demander de l’aide plutôt que de s’isoler ou de se plaindre.

S’adapter :

Accepter que la situation ne soit pas idéale et trouver un moyen de composer avec elle.

Dans l’exemple de la réunion : reconnaître que l’on est stressé, ce n’est pas être faible.

C’est faire preuve d’intelligence émotionnelle. On peut le reconnaître pour soi, le nommer pour s’apaiser, et ensuite choisir une stratégie pour gérer ce stress (respirer profondément, se concentrer sur sa préparation, etc.).

Il s’agit de réguler l’émotion pour qu’elle ne prenne pas le dessus, plutôt que de la nier en vain.

Être sensible : une richesse souvent incomprise

La sensibilité est la capacité à percevoir et à ressentir les stimuli (internes ou externes) avec une intensité plus ou moins grande. Une personne sensible capte souvent plus de détails, ressent les émotions (les siennes et parfois celles des autres) plus profondément, et peut être plus réactive à son environnement.

Pendant longtemps, et encore aujourd’hui dans de nombreuses cultures, la sensibilité a été associée à la fragilité, à une incapacité à « encaisser », à une faiblesse de caractère. On a dit aux enfants : « Ne sois pas si sensible ! », comme si c’était un défaut à corriger. Et cette étiquette de « trop » est souvent lancée à la légère, comme si notre façon de ressentir devait entrer dans une norme.

Pourtant, la sensibilité est une ressource précieuse

Empathie accrue

Les personnes sensibles sont souvent plus empathiques, capables de mieux comprendre et ressentir ce que vivent les autres.

Créativité et intuition

Cette richesse de perception favorise souvent la créativité, l’intuition et une capacité à voir les choses sous différents angles.

Profondeur des émotions positives

Si les émotions désagréables sont ressenties intensément, la joie, l’amour ou l’émerveillement le sont tout autant, voire plus.

Conscience fine

Une personne sensible est souvent plus attentive aux détails, aux nuances, ce qui peut être un atout dans de nombreux domaines (artistique, relationnel, etc.).

Ainsi, dire d’une personne qu’elle est « sensible », ce n’est pas la rabaisser, c’est décrire une partie de sa nature profonde.

Cette sensibilité n’est une faiblesse que si elle n’est pas comprise et régulée. Elle se mue en une véritable force lorsqu’elle est acceptée et utilisée de manière constructive, offrant par exemple une capacité d’écoute et d’analyse fine dans les relations, ou une richesse d’idées et d’innovation dans les projets.

Un exercice pour explorer vos émotions

Pour commencer à pratiquer la régulation émotionnelle et à mieux comprendre votre sensibilité, je vous propose un exercice simple.

Choisissez un moment où vous ressentez une émotion, même légère (un peu de stress, d’irritation, de tristesse, ou même de la joie) :

  1. Stop et Observation : Arrêtez-vous un instant. Prenez une profonde inspiration et expirez lentement.
  2. Ressentis corporels : Où ressentez-vous cette émotion dans votre corps ? Est-ce une tension dans le ventre, une chaleur dans la poitrine, une sensation de légèreté ? Ne cherchez pas à l’analyser, juste à la localiser et à la sentir.
  3. Nommer l’émotion : Mettez un mot sur ce que vous ressentez. Si plusieurs mots viennent, choisissez celui qui semble le plus juste.
  4. Interroger le message : Posez-vous la question : « Quel est le message de cette émotion ? De quel besoin parle-t-elle ? » Par exemple, la colère peut parler d’un besoin de respect, la tristesse d’un besoin de réconfort, le stress d’un besoin de sécurité.
  5. Accueillir sans juger : Permettez-vous de ressentir cette émotion, sans la juger comme « bonne » ou « mauvaise », « faible » ou « forte ». Juste « elle est là ». L’objectif n’est pas de la faire disparaître, mais de l’accueillir et d’écouter ce qu’elle a à vous dire.

Répétez cet exercice régulièrement. Plus vous le pratiquerez, plus vous développerez votre intelligence émotionnelle et votre capacité à faire de vos émotions des alliées.

Ne vous jugez plus : Accueillez votre vulnérabilité, reconnaissez votre force

Le message essentiel est de ne pas se juger et de ne plus se dire « je suis trop ». Trop sensible, trop émotif, trop réactif…

Ces « trop » sont des verdicts, parfois hérités de l’enfance ou de la culture, que l’on s’inflige ou que la société nous impose, nous enfermant dans une vision négative de nous-mêmes.

Au lieu de cela, nous pouvons choisir d’accueillir notre vulnérabilité – cette capacité à être touché – comme une porte d’entrée vers une
plus grande force et authenticité. C’est le chemin pour accéder à un véritable accueil de soi et non à un jugement intégré.

Il est aussi crucial de reconnaître que notre niveau de sensibilité et notre capacité de régulation émotionnelle peuvent varier.

Selon les périodes de vie, le niveau de stress, ou même le cycle hormonal pour les femmes, notre vulnérabilité peut être accrue. Ces phases peuvent entraîner une fatigue émotionnelle supplémentaire, souvent méconnue et sous-estimée. Ce n’est pas un signe de faiblesse permanente, mais un besoin accru de bienveillance envers soi et d’adaptation.

La régulation émotionnelle et la sensibilité sont donc deux facettes interdépendantes de notre intelligence émotionnelle.

Plutôt que de les combattre ou de les cacher, apprendre à les comprendre et à les apprivoiser est un chemin vers une plus grande authenticité et un bien-être durable. C’est en embrassant pleinement qui nous sommes, avec nos ressentis et nos nuances, que nous transformons ce qui était perçu comme une faiblesse en une véritable force.

En résumé : la sensibilité, une force à apprivoiser

Votre sensibilité est une richesse, pas un défaut.

La régulation émotionnelle vous aide à agir sans vous nier.

Votre corps vous parle avant même que vous sachiez « ce que vous ressentez ».

Vos émotions sont des messagères, pas des ennemies.

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